Les grands collectionneurs donateurs ont longtemps été les principaux responsables de l’enrichissement des musées, tant l’État s’est montré peu prolixe en matière de crédits d’acquisition. De plus, il a longtemps manifesté peu d’intérêt à l’égard d’œuvres ou de collections contemporaines, qui quittaient le territoire sans espoir de retour. Sensible aux œuvres encore plus qu’il ne l’était aux musées eux-mêmes, André Malraux comprit le problème. Ainsi, pour favoriser le maintien des œuvres d’art et objets de collection d’importance patrimoniale sur le territoire national, le général de Gaulle et Malraux promulguèrent le 31 décembre 1968 la loi sur les dations. Celle-ci propose le règlement en nature des droits de succession. Le texte de la loi stipule que «Tout héritier, donataire ou légataire peut acquitter les droits de succession par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique». Le première grande dation, survenue après la mise en place de cette nouvelle loi, fut celle de Picasso.
Picasso est décédé en avril 1973. L’héritage est estimé alors à plus d’un milliard de francs. Il comprenait, entre autres, 1880 peintures, 1335 sculptures, 7089 dessins séparés, environ 200 carnets avec près de 5000 dessins, 880 céramiques et 20 000 épreuves de gravures. Les pourparlers entre la famille du peintre et Maurice Aicardi, président de la Commission interministérielle d’agrément pour la conservation du patrimoine national, ont permis d’établir la liste des pièces retenues pour la dation. Cinq années auront été nécessaires pour aboutir ce qui, compte tenu de la complexité des questions artistiques, juridiques, fiscales, qui se posaient, a été finalement un délai raisonnable en comparaison de la durée moyenne des contentieux successoraux. Il fallait ensuite trouver un espace pour accueillir et présenter dans les meilleures conditions un ensemble aussi prestigieux. C’est alors que Michel Guy, secrétaire d’État à la Culture, pensa à l’hôtel Salé pour abriter la collection et à Dominique Bozo comme conservateur.
Le musée national Picasso est ainsi né, grâce à cette dation consentie par les héritiers du peintre, enrichie plus tard par d’autres dons. L’artiste n’ayant laissé aucun testament, le fonds, considérable, a pu ainsi être préservé.