2021, hommage à Françoise Gilot

Françoise Gilot partage la vie de Picasso pendant une dizaine d’années, entre 1943 et 1953. Jeune artiste solaire, talentueuse et enjouée, elle rencontre Picasso au Catalan, le restaurant se trouvant à côté de l’atelier de Picasso rue des Grands-Augustins. Picasso, qui vit avec Dora Maar, inquiète et sombre, est subjugué par la fraicheur de Françoise Gilot et l’invite à venir dans son atelier, invitation à laquelle elle répond par l’affirmative. Indépendante et femme de tête, Françoise Gilot ne s’en laisse pas compter pour autant, mais elle noue avec Picasso à partir de ce moment-là une relation amoureuse, dont naitront deux enfants, Claude en 1947 et Paloma en 1949.

L’ après-guerre est à la reconstruction du pays épuisé par le conflit, dans un contexte de tensions politiques et une économie en ruine. Restriction, épuration, aspiration à la paix ponctuent le quotidien des Français. Picasso et sa compagne s’installent d’abord à Antibes, puis à Vallauris, à La Galloise, proche de l’atelier Madoura de Georges et Suzanne Ramié, auprès de qui Picasso s’initie à la céramique.

Les années les plus belles de leur relation sont les trois premières, selon Françoise Gilot, qui cherchait, au-delà de cet attachement, à affirmer sa personnalité, ses désirs et ses espoirs, sans dépendre d’un homme, fut-il un artiste de génie mondialement reconnu qui la peignait en « femme-fleur ».

Françoise Gilot reprit la peinture, en optant pour un minimalisme à l’opposé du style de Picasso, puis, à partir de 1951, en y mettant de plus en plus de couleurs,  explique-t-elle quand elle évoque ses souvenirs. Elle poursuit sa quête personnelle : « Je ne peins pas ce que je regarde mais ce qui me regarde » affirme-t-elle volontiers. De là, la multiplicité de ses approches, son rapport aux formes et aux couleurs. Souveraine et exigeante autant dans son travail que pour elle, elle choisira de quitter Picasso pour poursuivre sa vie de femme et d’artiste et s’installera à New York. Auteure de Vivre avec Picasso, qu’elle publie en 1964, bien après sa séparation d’avec l’artiste, elle s’attire l’ire du peintre, outré qu’elle dévoile leur intimité, et qui cherche même à faire interdire le livre. Plusieurs documentaires lui ont été consacrés : on y découvre une femme d’exception, magnifique, plein d’enthousiasme, de dynamisme et de joie de vivre qui, avec des mots sobres et sincères, explique son processus créatif, son histoire personnelle, ses recherches.

À l’aube de son centenaire, il est probable que le mouvement international en faveur des artistes femmes devrait redonner en France sa juste place à l’œuvre de Françoise Gilot, féministe et rebelle avant l’heure, en quête de liberté d’expression et de création. Une exposition (Françoise Gilot, les années françaises, au musée Estrine, à Saint-Rémy de Provence) et un colloque dans ce cadre le 7 décembre ont rendu hommage à cette artiste majeure qui conseille d’être, dans la vie, « tout simplement soi-même.

Picasso, Femme dans un fauteuil, 1947
Picasso, Femme dans un fauteuil, 1947. Antibes, musée Picasso (dépôt du Musée national Picasso-Paris)