Des mousquetaires aux masques avec Picasso

J. M. : Je pense notamment au petit arlequin…

Oui, c’est lui qui a fabriqué ça pour nous faire rigoler. Je ne me souviens plus à quel moment cela a été fait. Vous voyez clairement en le regardant que c’est assez professionnel, je ne pense pas que nous ayons été capables de reproduire ça, mais on a dû essayer. On fait faire ce genre de choses à l’école aux enfants... 

J. M. : Il y a par exemple des petites scénettes, concernant la tauromachie, un petit taureau, le torero à côté, c’était un jeu entre lui et vous ? 

Oui, ces petits taureaux, toréadors, picadors, banderilleros, il en découpait quelques-uns pour nous puis on les colorait. On faisait le paseo, enfin tout le déroulement de la corrida, parce qu’on y allait aux courses de taureaux. On recevait d’Espagne des petites arènes avec les petits personnages en plomb et du coup ça en ajoutait. C’était des jeux, des amusements typiquement méditerranéens, espagnols. 

J. M. : Et Picasso était très proche de vous à ce moment-là ?

Oui, absolument, dans ces moments, quand on faisait tous ces jeux, Picasso devait se sentir proche de nous, car il était alors un peu un enfant lui-même. Dans ces moments-là et en général. Alors oui, ça fonctionnait bien.

J. M. : Toute sa relation au « masque » est très importante, il en mettait souvent. Ces masques qu’il réalisait en papier avec seulement de petites ficelles, qui sont magnifiques, les faisait-il aussi pendant des moments de jeux ? 

Je ne pense pas… Je pense que ça a été fait à d’autres moments, il y avait des tas d’occasions de faire des choses comme ça. Les masques que vous évoquez, je ne m’en souviens plus, je n’ai pas une mémoire qu’on peut solliciter à tout moment, il a des choses qui ne sont plus très claires. Par contre, il y avait des tas de gens qui amenaient des masques ou des morceaux de déguisements et à chaque fois on s’amusait avec ça, des pieds de monstres ou des têtes de sorcières, des choses comme ça. 

C’était souvent Kootz, le marchand de tableaux, qui en ramenait des États-Unis, parce que là-bas ils savaient fabriquer ça, alors c’était l’occasion de temps en temps de faire des blagues. Picasso les gardait en disant : « Comme ça, on les aura toujours. » C’est comme une petite voiture que j’avais et qu’il a toujours gardée. Pour lui c’était son travail, à la limite son jouet à lui. Peut-être qu’on était un petit peu ses jouets nous aussi. 

Ce qui m’a toujours beaucoup amusé c’est qu’il regardait les enfants très jeunes avec étonnement et tendresse. Ensuite, c’était plus sérieux. 

Picasso, Mousquetaire, papier découpé et crayons de couleur, 1953