Tériade et la plus belle revue du monde.

Critique d'art et éditeur, Tériade a ouvert une voie nouvelle dans la production du livre illustré en offrant aux artistes «un espace qui soit leur». Dans les années 1930, où une certaine bibliophilie conventionnelle était de mise, celle d'une surproduction des «beaux papiers» et des «tirages de tête», il participe à l'invention d'un nouveau type de revue. Parlant de son parcours, Tériade dira simplement qu'il doit tout à l'amitié:«j'ai essayé que mes livres soient un jardin; sans l'amitié, je n'aurais rien pu faire».
De fait, dans une production volontairement limitée, chacun des ouvrages qui portent sa marque se caractérise par une ouverture à la fois ambitieuse et généreuse et une véritable confiance dans le talent créatif de l'artiste.


Né à Mytilène (Grèce) en 1897, Efstrafios Eleftheriades, qui contractera son nom dans la version française de «Tériade», part à l'âge de dix-huit ans pour Paris. En 1926, il débute sa collaboration avec les Cahiers d'art de Christian Zervos et, jusqu'en 1931, il y rédigera plus de quarante textes. Parallèlement, il écrit de manière souvent incisive dans le quotidien L'Intransigeant. En 1933, Tériade devient directeur artistique des neuf premières livraisons de la revue Minotaure fondée par Albert Skira. Il la quittera en 1936, en désaccord avec l'influence grandissante d'André Breton, et fonde avec Maurice Raynal l'éphémère mensuel La Bête noire, revue pour «mettre à leur place ceux qui sont en place». En 1937, Tériade crée «la plus belle revue du monde»: Verve. Vingt-six numéros (dont onze doubles) paraîtront jusqu'en 1960. «Verve est à la fois le jardin de la couleur et la conque de la parole» dira Jean Leymarie. On doit également à l'éditeur la conception et la réalisation de vingt-sept livres publiés entre 1943 et 1974. Tériade est décédé à Paris en 1983. Son épouse Alice Tériade a offert puis légué (en 2007) sa production éditoriale au musée départemental Matisse du Cateau-Cambrésis.

Après la Seconde Guerre mondiale, Pablo Picasso multiplie les collaborations avec Tériade. Outre le Chant des morts de Pierre Reverdy, trois numéros de Verve lui sont consacrés, tous trois conçus en étroite collaboration avec l'artiste qui dessine les couvertures et participe à la conception. Le n°19/20, Vol. V (1947-1948) est entièrement dévolu aux productions de l'année 1946 (84 pages, 20 reproductions en couleurs, 76 reproductions en noir. Textes de Picasso et Sabartès). Puis paraîtront le n° 25/26, Vol. VII, Pablo Picasso à Vallauris, 1949-1951 (16 grandes planches en couleurs dont 4 en double page, 100 reproductions en noir et blanc, frontispice et couverture spécialement exécutés par l'artiste pour l'ouvrage, accompagné de textes de Daniel-Henry Kahnweiler, Georges Ramié, Odysséas Elytis - poète grec, futur prix Nobel de littérature) et, enfin, le plus imposant, le no 29/30, Vol. VIII, composé d'une suite de 180 dessins de Picasso réalisés à Vallauris du 28 novembre 1953 au 3 février 1954, avec un essai de Michel Leiris intitulé «Picasso et la Comédie humaine». Les dessins, de la taille des originaux, sont reproduits par ordre chronologique.


Le Chant des Morts – Reverdy


1 Jean Leymarie, Éloge de Tériade, publié par Alice Tériade, 1982, p. 32

2 op. cit. p. 62