Jeune homme, le peintre est témoin des conséquences de la défaite espagnole en Amérique qui aboutit à la perte de Cuba et à l’indignation d’une jeunesse qui se tourne vers l’anarchie. Les thèmes guerriers sont largement présents dans ses dessins, comme ceux relatifs à la guerre des Boers, largement relayée dans la presse espagnole. Il est ensuite très impliqué dans le mouvement moderniste barcelonais lié à l’anarchisme et au séparatisme catalan, en particulier les cercles gravitant autour du cabaret « Els Quatre Gats » (1897-1903).
En séjournant à Paris en 1900, Picasso se met en quête d’une culture proche de ses idées. Ses contacts avec des Catalans installés dans la capitale l’amènent à rencontrer deux écrivains anticonformistes, Guillaume Apollinaire et André Salmon. De fait, au début de l’année 1901, il crée à Madrid, avec l’écrivain catalan Francisco de Assis, la revue Arte Joven, qui accorde une large place aux idées venues de l’anarchisme. À partir de son retour à Paris en 1901, il est surveillé, un rapport de police précisant même qu’« il y a lieu de le considérer comme anarchiste vu ses relations »[1]. Ses orientations politiques trouvent un débouché dans l’anti-académisme du cubisme. On a noté que ses collages intégraient alors des extraits de journaux relatant des manifestations. Pierre Daix a pu interroger l’artiste sur son intention en incluant dans l’œuvre La Bouteille de Suze (1912) [2] un article sur une manifestation contre la guerre de novembre 1912 : « Bien sûr que je l’ai fait exprès [¼] c’était ma façon de montrer que j’étais contre la guerre » et de répondre à Daix qui objectait le fait que cette œuvre n’était pas alors montrée, avec cette jolie pirouette : « Bon, je savais que les gens trouveraient cela plus tard et comprendraient. »[3]