Femme dans un fauteuil

Femme dans un fauteuil (Métamorphose), 1929, Huile sur toile, 91,5 x 72,5 cm, Museu Colecção Berardo, Lisbonne

Pablo Picasso est influencé depuis 1925 par les poètes surréalistes, compagnonnage qui durera jusqu'au milieu des années 1930. En marge de ce mouvement, il développe un travail dont l'univers poétique, érotique et passionnel constitue l'une des plus puissantes charges créatrices de son temps. Cependant, il reste plus pragmatique que l'ambition du «rêve calqué sur la toile» des surréalistes. La femme dans un fauteuil rouge, peinte au début de l'année 1929 est une sorte de synthèse des peintures violentes des années précédentes, des enseignements initiaux du cubisme avec une nouvelle manière que l'on trouvera dans les années 1930. La figure est en forme de pyramide, les yeux sont dilatés comme dans la plupart des représentations féminines de cette phase. Picasso présentera la toile, qui passionnera Georges Bataille, dans une exposition à la galerie Georges Petit en juin 1932. Mais c'est au États-Unis qu'elle a pris véritablement son importance avec la rétrospective que consacre à l'artiste Alfred H. Barr Jr, premier directeur du MoMA de New York, Forty Years of his Art (1939).


Deux tableaux de la même «série», celui du musée national Picasso de Paris et celui de la collection Berardo, conservé à Lisbonne, montrent une certaine forme de souffrance et de cruauté, propre aux tableaux de l'artiste peints à cette période de sa vie. «Les volumes s'appellent et les tons se réclament, ces traits, qui venant du hasard, ne sont pas abandonnés au hasard, tout ce soupir de l'inconnu cristallisé dans une forme et l'ordre de l'infini observé jusque dans une tâche», écrivait dans la revue Cahiers d'art Christian Zervos en 1929. Le tableau de la collection Berardo de Lisbonne a également été reproduit dans le n°3 (1930), du journal Documents, édité par Georges Bataille, en ouverture de l'article de Michel Leiris.

L'agressivité des couleurs, la tension picturale dénotent chez Picasso une violence expressive, révélatrice des sentiments ambigus de l'artiste vis-à-vis de la femme. L'inscription «Métamorphose» à l'arrière du tableau fait l'objet d'une intéressante analyse d'Yve-Alain Bois, dans le catalogue de l'exposition Picasso Harlequin, 1917-1937, qui s'est tenue à Rome du 11 octobre 2008 au 8 février 2009, sur les rapports du peintre à ses sujets à cette époque. La période 1927-1929 est dominée par cette image troublante, énigmatique, de la femme. Ces visions font vraisemblablement allusion aux relations entre Pablo Picasso et Olga Kokhlova, danseuse des ballets russes qu'il a épousée en 1918.