La collection personnelle de Picasso

Queensland Art Gallery - Gallery of Modern Art- Brisbane / Australie, 9 juin au 14 septembre 2008, GOMA
 

Cette collection assemblée au cours de sa vie comporte plus d'une centaine d'oeuvres, Renoir, Cézanne, Rousseau, Braque, Matisse et d'autres, et donne à sa manière un portrait intime de Picasso, de l'homme. La nature de cette collection est, cependant, unique. Picasso ne possédait pas les caractéristiques les plus courantes d'un collectionneur d'art: consommation et accumulation. Cette collection n'est pas le fruit d'une volonté délibérée ou d'un projet établi. Ces Oeuvres ont été ajoutées à la pagaille de ses ateliers successifs, jetées au hasard sur le sol, encadrées ou non-encadrées, au milieu de ses propres peintures, ou accrochées au mur de manière désordonnée, sans que jamais existe l'intention de mettre en avant l'une d'entre-elles. À certains égards, cette collection nourrit l'arrière-plan de son propre atelier.

«Mes amis»: c'est la façon dont Picasso parle de sa collection. «Après tout, pourquoi ne pourrait-on pas hériter de ses amis?», a t'il avoué un jour à son marchand, Kahnweiler. «Au fond, qu'est-ce qu'un peintre? Un collectionneur qui veut faire une collection en faisant les peintures qu'il aime chez les autres».

Avec sa collection, Picasso a entretenu une relation de créateur à créateur (Passé ou présent). C'est une affaire intime, vivante et aucune façon sacrilège.

«Je crois que dans l'art, il n'y a pas de passé ou de futur. Si une oeuvre d'art ne peut pas vivre dans le présent, il n'y a pas lieu de perdre du temps avec».

Ces paroles de Picasso rappellent la définition de la modernité de Baudelaire, formulée en 1863: «La modernité est transitoire, fuyante, contingente pour moitié et l'autre moitié est éternelle et immuable. La modernité a existé pour chaque maître ancien». Picasso a été sensible à cette modernité plus ou moins latente. Dans un autre sens, toutefois, cette collection également met en lumière une dimension classique de l'art de Picasso. Loin de l'image (fausse) de Picasso, d'un artiste moderne qui aurait effacé toutes traces du passé et du présent, Picasso apparaît ici comme "un être juché sur les épaules de géants".

Picasso a voulu faire don de cette collection à l'État français à condition qu'elle soit conservée intacte. A son décès, ses héritiers ont respecté sa volonté. Le Musée Picasso à Paris abrite habituellement cette collection, qui a été complétée par d'autres oeuvres données ultérieurement par les héritiers.


Citations:

BERNADAC, Marie-Laure, MICHAEL, Androula, Picasso, propos sur l'art, París, Gallimard, 1998.


Paul Cézanne "Chateau-Noir”, 1905

Paris, musée national Picasso