Compagne et partenaire de Picasso pendant dix ans, entre 1943 et 1953, Françoise Gilot s’est éteinte le 6 juin, à l’âge de 101 ans. Un âge exemplaire pour une femme exceptionnelle.
Peintre dans le Paris de l’Occupation, elle rencontre Picasso, par l’intermédiaire de l’acteur Alain Cuny. Fâchée avec sa famille – surtout avec son père – qui n’apprécie guère son souhait de se consacrer à l’art, elle se voit privée de ressources. Mais rien n’arrête la jeune artiste talentueuse et solaire : elle donne des cours, poursuit sa formation artistique initiée en 1934, puis approfondie dans l’atelier d’Endre Rozsda, et se rend fréquemment dans l’atelier de Picasso. Après quelques mois de relation, François Gilot vient partager la vie et l’atelier du peintre, qu’elle racontera plus tard dans son livre Vivre avec Picasso, paru aux États-Unis, puis en France chez Calman-Levy en 1965.
Ils connaissent une période de bonheur dans cet après-guerre difficile, tout à la reconstruction du pays épuisé par les années d’Occupation et s’installent d’abord à Antibes, puis à Vallauris, à La Galloise. De cette union vont naître deux enfants : Claude, en 1947, puis Paloma deux ans plus tard. Françoise Gilot, qui se sent proche du groupe Réalités nouvelles, poursuit une carrière artistique personnelle qui s’annonce sous les meilleurs auspices tandis que sa relation avec Picasso se dégrade. En septembre 1953, Françoise Gilot, indépendante et femme de tête, qui revendique liberté de pensée et exige de poursuivre son propre cheminement artistique, quitte Picasso et s’installe à Paris avec ses deux enfants. Picasso en gardera une profonde rancœur, lui qui, selon les dires de sa compagne, lui avait affirmé que « personne ne quitte un homme comme lui ».
Françoise Gilot reprit la peinture, en optant pour un minimalisme à l’opposé du style de Picasso, puis, à partir de 1951, « en y mettant de plus en plus de couleurs », ce qu’elle explique quand elle évoque ses souvenirs. Elle poursuit sa quête personnelle : « Je ne peins pas ce que je regarde mais ce qui me regarde », s’installe aux États-Unis au début des années 1970, voyage beaucoup et écrit. En 1975, elle publie Le Regard et son masque (chez Calman-Levy, de nouveau), dans lequel elle évoque sa conception du peintre et de la peinture. On lui doit également Matisse et Picasso, une amitié, paru chez Robert Laffont en 1991.
Françoise Gilot, rebelle et féministe avant l’heure, fut mise en lumière à la fin de sa vie, tant pour son engagement de femme que pour sa soif de liberté. Un hommage mérité pour cette artiste majeure qui conseillait d’être, dans la vie, « tout simplement soi-même ».