Focus sur Nu a la serviette, 1907, itinéraire d'un tableau

Nu à la serviette est sans conteste l'une des oeuvres phares de l'exposition «Matisse, Cézanne, Picasso... L'Aventure des Stein» présentée au Grand Palais jusqu'au 23 janvier 2012. Cette oeuvre peinte par Pablo Picasso en 1907 n'avait pas été montrée au public depuis sa participation à la remarquable exposition, Les Sources du XXe siècle, au Musée d'Art Moderne de Paris en 1960. Restée depuis en mains privées, son prêt dans l'exposition Stein a fait l'objet de longues tractations. Finalement, l'oeuvre sera prêtée à Paris mais ne fera pas partie des itinérances au San Francisco Museum of Art et au Metropolitan de New York, et sera choisie pour figurer sur la couverture du catalogue français et dans la campagne de communication de l'exposition.


La trajectoire de Nu à la serviette est des plus intéressantes. Grâce aux recherches approfondies de Cécile Debray, commissaire de l'exposition, pour retrouver la piste de cette peinture, nous savons qu'elle a été acquise quelques mois après sa création en 1907 par Leo et Gertrude Stein pour «compléter un ensemble important autour de cette période de genèse des Demoiselles d'Avignon». Suite à la séparation de la collection entre le frère et la soeur, Gertrude qui obtient les Picasso va finalement échanger, en octobre 1913 avec la Galerie Kahnweiler, le Nu à la Serviette ainsi que Jeune Fille sur la boule (Z. 290) et la Grande Composition rouge (Z. II, 108) contre 20 000 frs et l'oeuvre cubiste L'Homme à la Guitare, 1913(Z. II, 436), préférant renouveler son soutien à l'artiste par l'acquisition d'oeuvres récentes. L'oeuvre sera un temps confondu avec Le Nu à la draperie (Z. II, 47) avant d'être identifiée par le numéro d'inventaire Kahnweiler - n°1492 - qui correspond à l'étiquette toujours présente aujourd'hui au dos du tableau.

Conservée dans le stock de la galerie du marchand allemand, la peinture sera bientôt saisie par le gouvernement français comme séquestre de guerre, en tant que bien allemand, puis vendue aux enchères à l'Hôtel Drouot dans la première des quatre ventes de la collection de Daniel-Henry Kahnweiler le 13 et 14 juin 1921 sous le no 87. Un catalogue de cette vente avec des annotations manuscrites conservé au Metropolitan Museum, indique que la peinture y aurait été achetée pour 1500 frs par Oscar Mie[s]tchaninoff, sculpteur et collectionneur russe faisant alors partie de la communauté d'artistes de Montparnasse, proche de Lipschitz, Soutine et de Modigliani. Ce dernier a en effet acquis à la vente deux figures et une nature-morte de Picasso probablement pour enrichir sa propre collection.

Nu à la serviette se retrouve quelques années plus tard à la Galerie d'avant-garde Jeanne Bucher à Paris. Si l'information n'a pas été retrouvée dans les livres de compte de la galerie (on peut toutefois noter une exposition «Lipschitz - Picasso» à la galerie au printemps 1927), elle apparaît dans les archives de la collection des Noailles. Les importants mécènes le Vicomte et la Vicomtesse Charles et Marie-Laure de Noailles y ont en effet acquis la peinture en 1928 ainsi que deux dessins non identifiés de Pablo Picasso et une oeuvre de Georges Braque pour 120 000 frs. Restée dans la famille jusqu'à la mort de la Vicomtesse puis du Vicomte en 1981, elle fait aujourd'hui partie d'une collection particulière française.


Nu a la serviette, 1907

116 x 89 cm Huile sur toile

Z. II, 48 Collection particulière