Focus sur Femme agenouillée se coiffant, 1906

Si les qualités techniques ou le nombre d'exemplaire des sculptures en bronze réalisées par Picasso au début du XXe siècle restent méconnues, Femme agenouillée se coiffant fait figure d'exception, l'oeuvre étant relativement bien documentée. Picasso a réalisé la céramique originale de Femme agenouillée, aussi appelée La Coiffure à Paris, au retour de Gosol, pendant l'été - automne 1906, dans l'atelier du sculpteur Paco Durrio.


Le marchand Ambroise Vollard qui s'intéressait aux oeuvres de Picasso dès 1901, commença à éditer des pièces en bronze dont Femme agenouillée se coiffant à partir de 1910. Selon des informations fournies par la fonderie Valsuani, il fit tirer à cette époque cinq exemplaires, signés mais non numérotés, par Claude Valsuani qui jouissait alors d'une grande renommée pour ses fontes à la cire perdue. Vollard qui ne faisait pas de contrats avec ses artistes, avait cependant l'autorisation de Picasso pour reproduire l'oeuvre à plusieurs exemplaires. En effet, à partir de 1910, la loi stipulait que l'artiste conservait ses droits de reproduction avec l'oeuvre vendue. Le marchand éditait des exemplaires au cas par cas pour des clients potentiels, plus un bronze supplémentaire revenant à Picasso. Cet exemplaire, que l'on peut voir dans une série de photos de Brassaï de l'appartement de l'artiste rue la Boëtie en 1932, faisait partie de la succession Picasso à sa mort en 1973. Trois des cinq bronzes édités par Vollard se trouvent aujourd'hui dans des musées : au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington, au Baltimore Museum of Art et au Ludwig Museum de Cologne. Le cinquième exemplaire a fait partie de la succession Vollard puis d'une collection privée avant de réapparaitre en vente publique chez Christie's, New York, le 9 novembre 2006. Sur un plan technique, les exemplaires qui ont pu être examinés n'ont pas de dos, mais une fine bande en bronze, à la base, qui rejoint les deux cotés. La céramique originale n'a en effet pas de dos visible puisqu'elle semble attachée à un support qui enclave l'arrière de la figure. La céramique appartenait encore à Picasso dans les années 40 qui l'a ensuite donné à Raoul Pellequer, collectionneur et frère de Max Pellequer, ami et banquier de l'artiste. En 1968, Raoul Pellequer avec l'autorisation de Picasso demanda à la fonderie Valsuani de réaliser dix tirages supplémentaires d'après l'original en céramique, cette fois numérotés mais non signés. Nous ne savons pas exactement quel a été le niveau d'implication de Picasso dans cette réédition et nous pouvons penser que s'il a donné son accord, il n'a pas retravaillé les bronzes. Claude Valsuani étant décédé en 1923, c'est probablement son fils Marcel qui a demandé à Pellequer d'obtenir l'autorisation de l'artiste avant de procéder à un nouveau tirage. Cinq bronzes ont pu être localisés: le numéro 2/10 se trouve au Berggruen Museum de Berlin, le 5/10 au Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, le 6/10 fait partie de la collection Hegewish à la Kunsthalle de Hambourg, le 9/10 a été donné par la famille Pellequer au musée Picasso de Paris en 1981 et le 10/10 a été vendu chez Christie's en 1991. Deux autres exemplaires ont pu être identifiés dans des collections privées.

L'oeuvre représente Fernande Olivier, compagne et modèle favori de Picasso en 1906. Si William Rubin dans son ouvrage de référence "Primitivism in 20th century art" en 1984 perçoit dans cette oeuvre des formes classiques plutôt que des traits archaïques, l'historien Werner Spies confirme quant à lui, un lien avec la sculpture Oviri, 1894 de Paul Gauguin que Picasso avait pu voir dans la rétrospective de l'artiste au Salon d'Automne de 1906. Picasso réalisa cette oeuvre dans l'atelier de son ami Paco Durrio qui était proche des Symbolistes et un ami et collectionneur de Gauguin dont il fit connaître l'oeuvre à Picasso dès 1900. Picasso fit plusieurs études directes pour ce bronze : une huile sur panneau (City Art Museum de Saint Louis. Z. XXII, 438) et deux dessins (Z. I, 341 Sainsbury Center for Visual Arts et Z. VI, 751, Hamburger Kunsthalle, Collection Hegewisch) qui montrent un parallèle évident avec les formes oniriques symbolistes, remarquables dans la manière de mêler les bras levés et les cheveux.


Original en céramique, 1906 (Collection particulière)