Sous la direction de Laurent Wolf et avec la collaboration d'Androula Michael, les éditions de L'Herne publient un cahier sur Picasso. Près de quarante contributions d'auteurs d'origine diverse - historiens, conservateurs, écrivains - le composent. Certains textes réédités à cette occasion rappellent les relations amicales qu'entretenait l'artiste avec ses pairs ou les intellectuels de son cercle ou de son siècle. D'autres écrits suggèrent une compréhension de son travail, en proposent de nouvelles lectures. Issus de générations qui n'ont pas connu l'artiste, ces points de vue montrent l'évolution des regards esthétiques sur les oeuvres et prouvent qu'il est encore possible de découvrir des facettes inconnues sur l'artiste. Laurent Wolf a ainsi fait appel à des contributeurs d'origine très variée et dont les analyses concernent la fois la peinture, la sculpture, les écrits, les archives, les correspondances ou la vie intime du peintre. Comme il le signale en préambule, «Picasso est l'un des artistes les plus populaires du monde, peut-être le plus populaire. [...] Le nom de Picasso est désormais un terme qui qualifie, sur tous les continents, une façon de faire de l'art, un style ou plusieurs, pour le meilleur et pour le pire.»
Les auteurs du livre s'attachent donc à montrer l'artiste différemment: les nombreux écrits sur Picasso, de son vivant ou après son décès, sont inséparables des situations dans lesquels ils ont été produits ou des circonstances de leur production (biographies ou catalogues d'expositions, par exemple). Ici, chacun livre ses sensations, ses souvenirs, ses appréhensions. S'entrecroisent et se mêlent découvertes et partages, correspondances et souvenirs, nouvelle lecture et regard distancié. L'ensemble ou catalogues d'expositions, par exemple). Ici, chacun livre ses sensations, ses souvenirs, ses appréhensions. S'entrecroisent et se mêlent découvertes et partages, correspondances et souvenirs, nouvelle lecture et regard distancié. L'ensemble foisonnant donne une autre perception du «génie, du héros, de la star», comme le nomme Nathalie Heinich, d'une grande richesse et très complète, d'une grande puissance formelle et intellectuelle.
Picasso, qui semble «destiné à devenir peintre avant d'être né», produisit des «oeuvres remarquables» dès le plus jeune âge. Apollinaire écrivait, dès le début du XXe siècle: «Tout l'enchante et son talent incontestable me paraît au service d'une fantaisie qui mêle justement le délicieux et l'horrible, l'abject et le délicat.» Car Picasso aimait ne pas se laisser aller au trait «remarquable», trop simple pour lui, trop facile. Il a aimé sa vie durant imaginer de nouvelles formes, surprenantes ou provocantes, laissant libre cours à son imagination insatiable. Sur lui, on apprend que son père lui laissa chevalet et pinceaux, dépassé par tant de virtuosité. Selon Duchamp, «le seul nom de Picasso incarne l'expression d'une pensée nouvelle au royaume de l'esthétique». Le public, qui aime adorer ou détester le génie, sut d'ailleurs, tout au long du siècle, apprécier ou décrier celui du peintre. Picasso montrait le résultat de ses recherches, mais il aimait aussi conserver ses sources comme ses inspirations, et préserver l'intimité de son travail. Immense alors fut celui de l'équipe qui, autour de Maurice Rheims, fut chargée de l'inventaire de son atelier après son décès. Christine Piot raconte ce parcours dans l'intimité de l'atelier.
C'est ce dialogue entre ces visions personnelles de l'oeuvre qui rend ce livre si singulier et, finalement, si attendu parce qu'unique dans sa conception.
Cahier de L'Herne, Picasso's Picassos, sous la direction de Laurent Wolf avec la collaboration d'Androula Michael, 2014.
"Sur le dos de l'immense tranche de melon ardent", 1935 Musée Picasso Paris