Les Picasso de la collection Yves Saint Laurent -Pierre Bergé

Il y a 5 oeuvres de Pablo Picasso dans la collection de Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé dispersée le 23 février par Christies : quatre dessins et une grande huile sur toile:
- Homme dans un fauteuil, 1912 ( 42,5 x 28,7 cm )
- Homme à la guitare, 1912-13 ( 62 x 48 cm )
- Poulet, verre, couteau et bouteille 1913 (47 x 59 cm )
- Portrait-charge Massine, Bakst et Diaghilev 1917 ( 19,4 x 27,4 cm )
- Instruments de musique sur guéridon, 1915 ( 129,2 x 88,9 cm )
http://www.christies.com/#/ysl-feb-2009/1/

Yves Saint Laurent et Pierre Bergé ont fait preuve de beaucoup de réflexion dans l'acquisition de chacune des oeuvres de leur collection et leur choix pour les oeuvres de Picasso reflète cette exigence.
Les cinq oeuvres dont les dates de création sont situées pendant un court laps de temps entre 1912 et 1917 se rattachent à la période cubiste de Picasso. Nous voyons l'évolution de son travail à travers les quatre dessins et cette grande peinture, c'est le passage difficile du cubisme vers un art protéiforme qui sera, à partir de 1917, le style de Picasso.

Les deux premiers dessins, l'un daté de 1912 et l'autre de l'hiver 1912-13, présentent un homme assis face à nous. Ils sont à rattacher au cubisme que l'on a qualifié d'analytique tant la représentation des figures humaines est codifiée par une juxtaposition de plans géométriques. Les éléments de la composition sont réduits à des signes, une amande pour un oeil, des rectangles pour les pieds, quelques lignes courbes pour nous évoquer un accoudoir, des cordes pour une guitare et une grisaille plus ou moins dense pour suggérer la profondeur comme dans le dessin «Homme dans un fauteuil».
A ces compositions parfois difficiles à lire, Picasso va adjoindre au cours des années 1912 et 1913 des papiers découpés, pour nous suggérer une réalité plus concrète. Ainsi, le dessin «Poulet, verre, couteau et bouteille» daté du printemps 1913 est-il complété par un découpage en forme de poulet dans un papier de couleur brune. Sur le plat dessiné au fusain trône un magnifique poulet rôti, il est accompagné d’une bouteille dont le volume est donné par un double trait. Les lettres MENU sont inscrites au-dessus pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste, nous sommes bien au restaurant.

Avec le grand tableau »Instruments de musique sur un guéridon», nous franchissons encore une étape dans le cubisme, la palette des couleurs s'est enrichie et les objets limités à des rectangles semblent s'entasser les uns sur les autres sans ordre particulier. On reconnaît bien toujours les guitares à leurs cordes tendues et à l'orifice noir qui nous regarde en centre du tableau. Cependant, les pieds du guéridon et les franges du tapis le recouvrant prennent une sorte d'autonomie en devenant par leur couleur noire des éléments très forts du tableau. Yve-Alain Bois, dans la notice du catalogue de vente, s'interroge sur l'attirance que l'Abstraction aurait pu avoir sur l'oeuvre de Picasso à cette période tant les objets représentés s'éloignent de leur fonction d'objet pour devenir une succession de plans colorés.

Le dernier dessin de cette vacation nous renseigne sur la suite des événements. En 1917, Picasso part à Rome pour rejoindre les Ballets Russes à l'instigation de Jean Cocteau car il travaille sur les décors et costumes pour le ballet «Parade». Ce charmant dessin nous montre les principaux protagonistes de Ballets Russes, Diaghilev le directeur, Léon Bakst le décorateur et Léonide Massine le chorégraphe.
Picasso nous les montre de manière réaliste, et pour reprendre les mots d' Yve-Alain Bois «L'abstraction menaçait .... Picasso allait lui tourner radicalement le dos en s'appuyant sur JD Ingres». La grande époque du cubisme s'achevait mais jamais Picasso ne l'abandonnera tout à fait. A partir 1917, les différents styles ne se succéderont plus, ils seront toujours disponibles simultanément à tout moment pour répondre aux exigences de Picasso.