Picasso - Célestine au Centre d'art de Châtellerault

La maison d'enfance du philosophe René accueille désormais le centre d'art de Chatellerault. Cet hôtel particulier des XVIème et XVIIème siècles était fermé depuis de nombreuses années. Le bâtiment a été restauré récemment et accueille une oeuvre du peintre et sculpteur Jean-Pierre Pincemin a dédiée à René Descartes pour le 400ème anniversaire de sa naissance «L'Anamorphose».
Les 66 gravures que Picasso fit entre le 11 avril et le 18 aout 1968 sur le thème de la Célestine y sont rassemblées le temps d'un été.

«La Tragicomedia de Calisto y Melibea», connue sous le nom de «La Celestina», est un roman attribué à Fernando de Rojas, qui le publia à Burgos, en 1499.
«La Celestina» est une des oeuvres majeures de la littérature espagnole brossant un portrait saisissant des moeurs de l'Espagne au temps des Rois catholiques; L'histoire est simple: Calixte brûle d'amour pour Mélibée, mais celle-ci le repousse. Il a donc recours à l'entremetteuse Célestine. Personnage corrompu et cupide, elle réussit à s'approcher de Mélibée et à éveiller son amour. Mais l'histoire ne peut être que tragique et finir dans le drame total. Célestine est assassinée par le valet qui sera pendu. Calixte tombe d'une échelle et meure et Mélibée, éperdue se jette par la fenêtre ....
On sait grâce à Brigitte Baer que Picasso possédait deux éditions de cet ouvrage: un petit livre, en français, sans date de parution (1920), acquis probablement sur les quais « La Renaissance du livre », collection «Les cent chefs-d'oeuvre étrangers», avec introduction de E. Martinenche. Cette petite édition porte, en frontispice, la reproduction de la gravure qui orne l'édition de Séville (1501). Cette planche montre, au fond à gauche, une Célestine qui se rapproche beaucoup de celles de Picasso. Le deuxième ouvrage est une édition illustrée de gravures sur bois. Cette édition, en espagnol, a été publiée à Venise en 1534 par Estephano da Sabio. Ici encore, la Célestine «ressemble» à celle de Picasso.

Ce qui a retenu l'intérêt de Picasso pour ces 66 gravures, ce sont les rencontres entre Calixte et Mélibée obtenues par l'intermédiaire et en présence de Célestine dont Picasso avait déjà peint son portrait réaliste et sinistre en 1903.
Pendant 4 mois, Picasso travailla de manière acharnée à ce sujet: il grava ainsi de petites plaques utilisant soit la pointe sèche, soit l' eau-forte, soit l' aquatinte au sucre, et parfois plusieurs techniques sur une seule plaque.
Il travaillait dans son atelier au Mas Notre-Dame de Vie à Mougins et chaque jour, les frères Aldo et Piero Crommelynck qui avaient installé leur atelier de gravure dans le village de Mougins, venaient chercher les plaques réalisées la veille par Picasso et lui apportaient les tirages des gravures faites les jours précédents. Ainsi Picasso pouvait contrôler au fur et à mesure la qualité des tirages. Exceptionnellement, Picasso demanda à ce que les 66 planches soient rassemblées pour un tirage sur une seule feuille : les planches étant disposées de façon à s'imbriquer les unes à côté des autres pour former une composition rectangulaire. Elles ne sont évidemment pas disposées selon l'ordre chronologique. II s'agit néanmoins d'un tour de force d'impression.

Maja et Célestine. I '27.5.68.I'(Aquatinte au sucre, sur planche partiellement graissée, et pointe sèche (date), sur cuivre)