Dominique Sassi, Dans L'Ombre de Picasso. 20 ans aux côtés du maître

Dominique Sassi, l'auteur, céramiste et décorateur, travailla pendant une vingtaine d'années à la production des oeuvres en céramique de Picasso réalisées à Vallauris. Il rassemble ici ses souvenirs de son propre parcours, à la fois personnel et professionnel. Son apprentissage dans les règles académiques à Cannes : tournage, estampage, émaillage et enfournement, son entrée à l'atelier Madoura, son envie d'apprendre, de côtoyer les meilleurs. Ce livre permet de suivre la vie quotidienne de cet atelier de céramique renommé de Vallauris. On y apprend l'organisation du travail, le rôle de chacun, les relations et la complémentarité des uns et des autres. Crée par Suzanne et Georges Ramié, Madoura fut le centre de cet artisanat d'art, entre les années 1950 et 1990. Ce témoignage précieux montre l'évolution des techniques (le four à bois remplacé par le four électrique, par exemple) et les conséquences sur la production. Il raconte un savoir-faire, le talent, l'ingéniosité de ceux qui l'ont animé.

Dominique Sassi a eu l'immense privilège de débuter sa carrière à 18 ans dans ce lieu d'exception alors que Picasso, pénétrant dans l'atelier, y découvrit des formes d'expression dont il se sentit immédiatement proche et en adéquation avec ses propres recherches. L'artiste prit l'habitude de s'y rendre, d'observer, de produire et de travailler avec l'équipe. Il a « découvert une manière inédite de s'exprimer, par des sillons, par des reliefs, une façon de souligner le motif qu'il ne pouvait pas trouver sur la toile. » Il aimait le silence de l'atelier, son ambiance studieuse et cet environnement manuel. « Il travaillait comme un artisan avec la facilité déconcertante de celui qui sait mettre l'outil au service de sa créativité. » Très vite, l'atelier Madoura devient le producteur des oeuvres de Picasso. Dominique Sassi développe inlassablement le plaisir et la fierté de travailler pour cet hôte illustre. Suzanne Ramié organise l'intendance du lieu en fonction des allées et venues de l'artiste pour, d'une part, qu'il ne soit pas dérangé et d'autre part, pour continuer la production habituelle de l'atelier un peu mise à mal par les demandes de Picasso, qui avait fait fi des normes traditionnelles. « Il avait oser et ça marchait. Tout devait craquer, buller, couler à la cuisson. [...] Tout était réussite et émerveillement [...] Picasso permettait l'interdit. » 

Dominique Sassi revient sur son départ pour la guerre d'Algérie, son silence sur ce qu'il y a vécu, son mariage et sa reprise chez Madoura. Il raconte sa première invitation à La villa La Californie, où, intimidé, il vient présenter sa jeune épouse à l'artiste, des anecdotes amusantes avec les chauffeurs, les expériences dans l'atelier. Il dépeint les relations respectueuses mais peu cordiales de l'artiste avec Chagall et celles avec les peintres de sa génération. Il n'oublie pas de rappeler à quel point la région vit se constituer une communauté d'artistes avec outre, Picasso et Chagall, Aragon, Éluard, Matisse, ou Brassaï. Sassi nous enchante par la description minutieuse des tenues vestimentaires de l'artiste, singulières et originales. Picasso aimait s'habiller et mêler motifs et étoffes.

Vingt années durant, Picasso travailla ainsi l'argile avec Dominique Sassi, Yvan Oreggia, Jean Ramié et Jules Agard remplacé plus tard par Francis Milici, sous le regard fidèle de Suzanne et Georges Ramié.


Dominique Sassi, Dans L'Ombre de Picasso. 20 ans aux côtés du maître. Editions Hugo et Cie, coll. Hugo Doc, 2015

Vase Gros oiseau, Musée Picasso Paris