Liberté finale

Cette « dernière période » fut longtemps méprisée des critiques comme des historiens, jusqu’à récemment ou son analyse plus nuancée montre à quel point elle fut aussi pour lui un éternel recommencement, une cure de rajeunissement et de vitalité, un retour aux sources, aux premières expériences sensorielles, inédites et jubilatoires. Cette série est un condensé, une sorte de conclusion des thèmes qui lui sont chers, de ses sources d’inspiration, de sa trajectoire personnelle et artistique. Certains personnages se schématisent et perdent de leur substance, d’autres, au contraire, faits de gros traits et de couleurs, envahissent l’espace du papier. Ses nus sont simples et certains sont dénués des tourments de la passion. À travers ses modèles, l’artiste se révèle un portraitiste étonnant, « divagant à la poursuite irraisonnée d’un portrait de la peinture que rien n’achève ni n’éteint », comme l’écrit Anne Baldassari dans le catalogue de l’exposition Picasso et les Maîtres. Le noir et le blanc structurent l’espace, tandis que les couleurs éclatantes annihilent le cadre avec une totale liberté de style. On apprécie les lignes lumineuses et aériennes, jusqu’au 4 février, date à laquelle Picasso a cessé la série. Comme le mot fin termine un film, il clôt ici avec la date, écrite trois fois au verso du dernier dessin. 

Picasso puise son énergie dans un processus de réflexion ultime sur l’histoire de l’art. Il livre cinquante-sept dessins dépourvus d’artifices et contraintes, fondés sur l’expression d’un univers fantasmatique, intime et obsessionnel, une esthétique volontiers brutale, la mise à nu de la matérialité de son travail.

Une dernière œuvre vint compléter la collection du musée : Jacqueline, deux jours avant sa mort tragique et six ans après celle de Picasso, se rendit chez Jean-Maurice Rouquette et son épouse. Elle leur apporta, pour le musée, soigneusement emballé dans du papier journal, le portrait de Maria Lopez, une œuvre dont Picasso ne s’était jamais séparé. Selon Michèle Moutashar, « le portrait de Maria partage avec la donation première la toute puissance du dessin, qui marque comme jamais les œuvres de la période d’Antibes, et plus largement les portraits des mois qui précèdent […]. » Picasso ne cachait pas son profond attachement à sa mère, dont il prit le nom. Ce portrait très affectueux est le second peint par l’artiste, durant l’été 1923, lors du séjour de doña Maria à Antibes, et qu’il ne dévoilera qu’en 1953, à l’occasion des rétrospectives de Rome et de Milan. Ce don montre l’attachement de Jacqueline à la ville d’Arles, à son musée et aux époux Rouquette, car elle savait à quel point Picasso tenait à cette œuvre. Son choix n’est pas anodin.

 

Jean-Maurice Rouquette, qui demeure toujours à Arles, a quitté le musée en août 1996. Le musée Réattu poursuit sa mission sous la direction de Pascale Picard et le catalogue de la donation, réédité, est de nouveau disponible.

 

Merci à Jean-Maurice Rouquette et à son épouse Jacqueline pour leur accueil chaleureux et l’évocation de leurs souvenirs.

Picasso, Homme assis, 31 décembre 1970, encre de Chine sur « pochette cadre » Canson, 33,3 x 25,1cm.
Picasso, Le pianiste II, 31 décembre 1970, encre de Chine sur papier, 32,5 x 25,1cm.
Picasso, Le peintre et son modèle (recto), 4 janvier 1971, encre de Chine et lavis sur carton, 27,9 x 21,9 cm.
Picasso, Tête d’Arlequin II, 13 janvier 1971 encre de Chine sur carton, 34,2 cm cm x 25,9 cm.
Picasso : Tête d’Arlequin IV, 13 janvier 1971, encre de Chine et craies de couleur sur carton.
Picasso, Pierrot et Arlequin de profil I - recto, 14 janvier 1971, encre de Chine est craies de couleur sur carton, 29,6 cm x 24 cm.
Picasso, Le peintre et son modèle I, 14 janvier 1971, encre de Chine sur carton blanc, 19,5 cm x 14,5 cm.
Picasso, Pierrot et Arlequin I, 16 janvier 1971, lavis sur carton, 31 cm x 22,5 cm.
Picasso, Buste d’Arlequin II, 16 janvier 1971, Lavis sur carton, 34,3 cm x 25,8 cm.
Picasso, Buste d’Arlequin III, 16 janvier 1971, lavis sur carton, 31 cm x 22,5 cm.
Picasso, Arlequin à la batte et jeune femme IV, 16 janvier 1971, encre de Chine sur papier bristol blanc, 21,8 cm x 15,7 cm.
Picasso, Arlequin assis et jeune femme V - recto, 16 janvier 1971, encre de Chine et lavis sur papier, 21,5 cm x 15 cm.
Picasso, Buste d’Arlequin I, 17 janvier 1971, encre de Chine sur carton, 27,9 cm x 21,6 cm.
Picasso, La Tarasque II, 17 janvier 1971, encre de Chine sur carton, 31 cm x 21,8 cm.
Picasso, Homme à l’épée et femme nue II, 20 janvier 1971, crayon feutre et craie blanche sur carton, 21,9 cm x 31,1 cm.
Picasso, Homme à l’épée et femme nue II, 20 janvier 1971, crayon feutre et craie blanche sur carton, 21,9 cm x 31,1 cm.
Picasso, Homme à la guitare, femme nue et porron I, 21 janvier 1971, crayon feutre sur carton blanc, 23,5 cm x 33 cm.
Picasso, Homme à la guitare et femme couchée, 21 janvier 1971, crayon feutre de couleur sur carton, 22,1 cm x 30,9 cm.
Picasso, Homme à la guitare, femme couchée et porron III, 21 janvier 1971, crayon feutre de couleur sur carton, 22 cm x 31 cm.
Picasso, Homme à la guitare et femme IV, 21 janvier 1971, crayon feutre sur carton, 22 cm x 31,2 cm.
Picasso, Homme à la guitare et femme couchée V, 21 janvier 1971, encre de Chine sur carton blanc, 14,7 cm x 20,9 cm.
Picasso, Mousquetaire et dame VI, 21 janvier 1971, encre de Chine, 14,9 cm x 20,9 cm.
Picasso, Homme et femme I, 22 janvier 1971, crayon feutre et lavis sur carton, 21,8 cm x 31 cm.
Picasso, Homme et femme II, 22 janvier 1971, crayon feutre sur carton, 20,9 cm x 28,3 cm.
Picasso, Homme et femme III, 22 janvier 1971, crayon feutre sur carton, 25 cm x 31,4 cm.
Picasso, Deux personnages IV, 22 janvier 1971, crayon feutre sur carton, 21,8 cm x 30,9 cm.
Picasso, Deux personnages V verso, 22 janvier 1971, encre sur papier, 14,9 cm x 21,6 cm.
Picasso, Homme et femme - recto, 23 janvier 1971, encre de Chine et encre de couleur sur carton blanc, 18, 3 cm x 13 cm.
Picasso, Hommes et femmes I, 24 janvier 1971, encre de Chine et craies de couleur sur carton, 10,7 cm x 15,5 cm.
Picasso, Portrait d’homme barbu II, 24 janvier 1971, encre de Chine, lavis et craies de couleur sur carton, 15,5 cm x 11cm.
Picasso, Personnages –verso, 27 janvier 1971, encre de Chine et lavis sur carton blanc, 22 cm x 26,7 cm.
Picasso, Personnage I, 29 janvier 1971, Lavis sur carton blanc, 32,5 cm x 24,7 cm.
Picasso, Personnages II, 29 janvier 1971, encre de Chine, lavis et crayon de couleur sur carton blanc, 32,3 cm x 24,5 cm.
Picasso, Personnage I, 1er février 1971, encre de chine et craies de couleur sur carton, 31 cm x 22,6 cm.
Picasso, Tête d’homme II, 1er février 1971, encre de Chine et lavis sur carton, 31,1 cm x 22,5 cm.
Picasso, Tête d’homme III, 1er février 1971, encre de Chine, lavis et craies de couleur sur carton, 28,2 cm x 21,7 cm.
Picasso, Tête d’homme IV, 1er février 1971, lavis et craies de couleur sur carton découpé, 27 cm x 21,5 cm.
Picasso, Tête de mousquetaire V, 2 février 1971, encre de Chine et craies de couleur sur carton, 27,1 cm x 20,6 cm.
Picasso, Portrait de mousquetaire III, 3 février 1971, encre de Chine, lavis, crayons et craies de couleur sur carton, 37,3 cm x 27,3 cm.
Picasso, Portrait d’homme IV, 3 février 1971, encre de Chine et craies de couleur sur carton, 26,7 cm x 19,2 cm.
Picasso, Portrait d’homme V, 3 février 1971, encre de Chine et craies de couleur sur carton, 26,9 cm x 21 cm.
Picasso, Portrait d’homme VI, 3 février 1971, encre de Chine et craies de couleur sur carton, 27 cm x 20,9 cm.
Picasso, Tête de mousquetaire I, 4 février 1971, crayon et craies de couleur sur carton, 27 cm x 21 cm.
Picasso, Personnage II, 4 février 1971, crayon noir sur carton, 21,8 cm x 10 7 cm.
Picasso, Portrait d’homme III, 4 février 1971, encre de Chine sur carton, 26,8 cm x 21 cm.
Picasso, Arlequin II, 14 janvier 1971, encre de Chine, lavis et craies de couleur sur carton, 22,1 cm cm x 24,6 cm.